Dojo de la roseraie. Franck NOEL

Le pratiquant, le sensei, l’Aïkido : et maintenant?

Voici doucement venir la rentrée, chacun a su profiter des derniers stages d’été comme des derniers rayons de soleil avant le début de la nouvelle saison. Chacun rentrera dans son dojo respectif conter ses aventures au rythme des différents stages proposés.

Démarrer une nouvelle saison, une fois de plus, une fois encore, mais comment? Quels objectifs se fixer pour le pratiquant, l’enseignant bien sûr, au-delà pour la discipline elle-même?

Quelle part de responsabilité se donner – s’autoriser ? – dans une discipline toujours en mouvement, qui ne cesse de se réduire et de s’étendre, manifestant par là-même sa propre fragilité?

Peut-être que le meilleur moyen de (re)commencer reste de s’appuyer sur la fin de saison passée et du dernier évènement du mois de juin 2016.

Clore la saison sur le stage de Médecins du Monde, c’est s’ouvrir la voie sur une note d’espoir, l’espoir d’une continuité avec les ambitions affichées pour préparer les années à venir.

Ainsi le temps a passé, chacun a eu le loisir d’oublier. Le moment est idéal pour revenir posément sur la deuxième édition de ce stage dit exceptionnel initié par Franck Noël.

Le mot semble fort: il reste juste et mesuré à bien des égards.

Ce n’est pas tant par la qualité de ces intervenants (qui est effective) que par le propos de cette union au-delà de contingences de styles et de velléités personnelles que ce stage se pose comme d’exception.

Exceptionnel, donc, par la portée de son message et un désir d’union par delà les difficultés d’écoute respective.

Pour la seconde fois, Franck Noël, Shihan et 7°dan Aïkikaï, fédère autour de lui des enseignants d’obédiences fort différentes: une réunion autour de mêmes principes incarnés par des hommes et des femmes revendiquant le droit à la différence dans l’approche de la pratique.

Durant deux jours, chacun a donc scruté l’autre. Des regards pluriels, multiples: tour à tour intéressés, amusés, parfois même moqueurs, des regards envieux, critiques, acérés ou bienveillants.

Rarement neutres.

Instants fragiles et riches où chacun se donne à l’exercice; les enseignants d’abord, bien sûr, s’essayent à relever la gageure de proposer sans écraser, sans contredire celui d’avant, ou étouffer et circonscrire celui d’après; les pratiquants, partagés et tenaillés par des formes en apparence différentes, des propos plus ou moins évasifs, plus ou moins investis, cherchent à extirper les principes fondateurs d’une cacophonie formelle bien légitime.

Tout simplement: l’inclinaison personnelle du pratiquant confrontée à l’exercice plein de l’ouverture.

Ainsi enseignants et élèves ont travaillé de concerts, chaque pôle se construisant en reflet de l’autre. Un jeu de miroir parfois en demi-teinte, parfois malhabile, toujours sincère dans son désir de partage, sa tentative de relever le défi de ne pas défier, voir même déifier.

Car il ne faut pas se le cacher: il est bien difficile de ne pas se comparer ou d’être comparer à. Se mesurer, n’est-ce pas déjà chercher une place sur un podium qui n’existe pas?

On le voit: quelle tâche ardue que d’être juste ensemble!
Il en va pourtant de notre pleine responsabilité: quel avenir nous souhaitons-nous, nous: pratiquants, nous: enseignants, nous: l’Aïkido?

En d’autres termes, quelle attitude tenir face à une discipline en proie à des changements d’ordres structurels importants et dont la nature même constitue, nous l’avons vu plus haut, un formidable hymne à la diversité, en même temps une tentation vers une sectorisation des pratiques?

Le discours de clôture du stage doit être considéré pour ce qu’il est en substance: un discours fondateur.

Franck Noël y questionne l’avenir de la discipline par le filtre de ses deux protagonistes principaux – le pratiquant et le sensei. En inscrivant la nature du comportement à adopter face à la pratique comme une des questions centrales de l’Aïkido, il pose – ou plutôt repose – les bases d’un idéal de communication, terreau d’une réelle entente.

Il dessine une voie salutaire globale, un véritable guide du pratiquant tout aussi technique et important que le guide du débutant bien connu.

Dans quel état d’esprit aborder un cours, un stage : en bref, comment envisager notre apprentissage?

Pour le pratiquant cela doit s’incarner par une volonté d’aller pleinement à la rencontre du sensei. Une volonté de se glisser, avant tout jugement, dans la logique de ce qui est proposé, condition de base pour un début de compréhension. Allez vers, sans a priori, accepter la différence, s’immerger dans la logique du cours, du discours afin d’en retirer les enseignements : éprouver au sens littéral du terme.
Un début de jugement pourra intervenir une fois ce prérequis établi.

« On aurait tort de penser être le meilleur dans sa partie. »

C’est à peu près en ces termes que Franck Noël nous parle de l’attitude et de la responsabilité du sensei. Accepter de ne pas se considérer comment le tenant ultime d’une pratique, avoir l’humilité de reconnaître d’autres visions d’une même discipline.
Enseigner véritablement, c’est-à-dire oeuvrer par pédagogie et non par expressivité purement personnelle.

Alors seulement nous réunirons les conditions d’une pratique plurielle mais unie.

« Que serait notre discipline si demain nous ne parvenions plus à pratiquer ensemble? » nous dit Franck Noël, en guise de conclusion.

Et que serions-nous, engoncés dans nos égos, nous gargarisant de nos compétences, pensant détenir les seules clés d’une pratique qui nous dépasse?

Voici ce que nous pouvions – entre autre chose – retenir de cette seconde édition du stage Médecins du Monde, organisée par Franck Noël, placée sous le signe de la réunion.

Le pratiquant, le sensei, l’Aïkido: et maintenant?
Vivre ensemble, ou pratiquer seul.

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